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PAROLES VAGABONDES
Parmi mes lectures d'été se sont glissées ces paroles vagabondes dont je parle aujourd'hui car elles sont pleines de rêve et de légendes, de sagesse aussi. Des petits textes courts nous emmènent en Amérique latine hors du temps et dans l'air du temps, une dimension particulière pleine de poésie. Chaque conte recèle une surprise, un coup de coeur ou une émotion particulière.
Sur le quatrième de couverture, l'auteur est présenté ainsi :
"Essayiste, journaliste, chroniqueur, historien, poète et conteur, Eduardo Galeano, né en 1940 à Montevideo, est un clairvoyant analyste de l'histoire de l'Amérique latine. Exilé des dictatures uruguayenne et argentine, il a vécu en Espagne avant de retourner en Uruguay en 1985 où il vit aujourd'hui. Son oeuvre franchit les frontières entre les genres comme elle traverse celles des pays qu'il évoque. Dans ses écrits, la poésie, l'histoire, la politique se relaient pour donner vie à un style unique et hybride, reflet de l'inouïe richesse du monde."
Un écrivain qui sait cultiver la tendresse, l'humour et la sincérité avec brio. J'ai eu un coup de coeur pour tous ces prénoms portés par les multiples personnages rencontrés : Cantalico, Primero, Secunda, Felicindo, Lucho, Dulcidio, Benito et tant d'autres, tous porteurs de lumière. Des petits lumignons pour ce passeur d'histoires.
Ce livre, que je picore, m'apporte beaucoup de bien être et j'avais très envie de le partager.
Un petit conte que j'aime beaucoup et que je recopie ici. Je ne pense pas léser l'auteur en lui empruntant une de ses nombreuses pépites mais j'enlèverai l'extrait si cela gênait qui que ce soit...
HISTOIRE DE LA MESANGE QUI PERDIT UNE PATTE
Ses enfants avaient déjà cassé leurs coquilles et sortaient la tête du nid en piaillant. La mésange s'envola à la recherche de nourriture. C'était l'hiver à Colchagua et la neige lui gela une patte. La mésange protesta :
_ Pourquoi m'as-tu rendue boiteuse ?
Et la neige répondit :
_ Parce que le soleil me fait fondre.
Et la mésange alla se plaindre au soleil et le soleil dit :
_ Parce que le brouillard me cache.
Et le brouillard :
_ Parce que le vent me pousse.
Et le vent :
_ Parce que le mur m'arrête.
Et le mur :
_ Parce que la souris me ronge.
Et la souris :
_ Parce que le chat me mange.
Et le chat :
_ Parce que le chien me poursuit.
Et le chien :
_ Parce que le bâton me frappe.
Et le bâton :
_ Parce que le feu me brûle.
Et le feu :
_ Parce que l'eau m'éteint.
Et l'eau :
_ Parce que la vache me boit.
Et la vache :
_ Parce que le couteau me tue.
Et le couteau :
_ Parce que l'homme m'aiguise.
Et l'homme :
_ Parce que l'homme Dieu m'a fait.En claudiquant, la mésange se mit à chanter à la recherche de Dieu. Dieu l'entendit, et alors elle lui demanda pourquoi il avait fait l'homme qui aiguise le couteau qui tue la vache qui boit l'eau qui éteint le feu qui brûle le bâton qui frappe le chien qui poursuit le chat qui mange la souris qui ronge le mur qui arrête le vent qui chasse le brouillard qui cache le soleil qui fait fondre la neige qui a gelé ma patte.
_ Ah ma pauvre petite mésange, répondit Dieu, j'ai dû faire l'homme pour que l'homme me fasse moi.
(Extrait de Paroles vagabondes d'Eduardo Galeano - Editions LU>< - pages 228-229)
Et il ne faut surtout pas oublier les gravures de José Francisco Borges qui illustrent chaque page. La rencontre de cet artiste brésilien et de l'auteur est racontée en préambule, deux pages qui contienne contiennent en peu de mots la symbiose de ces deux hommes et la naissance de ce beau livre.
Alors si le coeur vous en dit, ne vous privez pas !
Un beau dimanche à tous !
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Commentaires
les auteurs sud américains sont un régal
ils savent mélanger le réel et l'imaginaire d'une façon magique!
je suis toujours en admiration avec eux!!!
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Mardi 13 Septembre 2016 à 20:26
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C'est très poetique et cela fait réfléchir à la vie, lanature et la place de l'homme... tu nous fais toujours découvrir des univers si differents...un vrai plaisir de partager tes choix de lecture. Bises et bon week end-
Dimanche 14 Août 2016 à 19:02
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O, comme tu me donnes envie de le lire ! j'adore la littérature sud-américaine déjà et puis un peu de poésie, de beauté, en ce moment, ne peut faire de mal, au contraire !
J'aime la phrase qui dit que Dieu a dû faire l'homme pour se faire lui, je la retiendrai celle-là car en effet, l'un ne va pas sans l'autre.
Belle journée à toi, bisous.
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Mercredi 10 Août 2016 à 07:15
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J'ai déjà entendu parler de ce livre et bien sûr de l'auteur, mais je n'ai jamais rien lu de lui. Ton extrait me décide...Je le note immédiatement dans ma PAL. Je ne sais pas si je vais le trouver en Médiathèque mais qu'importe suite à ta chronique je suis sûre d'une chose, je le lirai ! Merci pour ce partage.
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Mardi 9 Août 2016 à 18:43
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Vraiment très charmant, ce récit, chère Cathycat. C'est limpide et beau. Tu renforces mon envie de retourner à la Bibliothèque, c'est tellement agréable de se dénaturer et de devenir quelqu'un d'autre le temps d'une histoire!
Un tout grand merci! Je t'embrasse,
Lorraine
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Lundi 8 Août 2016 à 19:06
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Coucou Cathy,
Tes suggestions de lectures sont toujours de bons conseils.
J'ai beaucoup aimé les interrogations de la mésanges, et... la chute ;-)
Bisous à toi et bonne soirée-
Dimanche 7 Août 2016 à 20:49
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Qui inventa l'homme ? qui inventa Dieu ? vaste question ... Il existe ou pas ? s'il existe il ferait bien d'envoyer un autre fils sur terre pour ranger le désordre !!!!
Merci de nous faire découvrir ce livre, en effet plein de pépites.
La réponse de l'homme à fin, je pense qu'il voulait dire "parce Dieu m'a fait", je me disais, là je ne comprends pas, lol ! mais j'ai compris en lisant la suite.
Bonne soirée Cathy et plein d'gros bisous
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Dimanche 7 Août 2016 à 20:30
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avec illustrations...c'est génial...
La faim déjeune la peur. La peur du silence étourdit les rues. La peur menace. Si vous aimez, vous aurez le sida. Si vous fumez, vous aurez un cancer. Si vous respirez, vous aurez de la pollution. Si vous buvez, vous aurez des accidents. Si vous mangez, vous aurez du cholestérol. Si vous parlez, vous aurez du chômage. Si vous vous promenez, vous aurez de la violence. Si vous pensez, vous aurez de l’angoisse. Si vous doutez, vous aurez de la folie.
Si vous sentez, vous aurez de la solitude... (?)Eduardo Galeano 1940- 2015 ....
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Dimanche 7 Août 2016 à 20:28
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C'est très tentant! Tu as l'art et la manière de présenter tes coups de coeurs, à chaque fois je me dis que tu serais capable de me faire dévaliser une librairie
La belle histoire de la mésange me rappelle ce conte Juif plein de sagesse: "le petit casseur de cailloux" que j'avais publié il y a pas mal de temps, je ne sais pas si tu connais.
Bon dimanche Cathy.-
Dimanche 7 Août 2016 à 13:14
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Voilà un livre tout indiqué pour moi,
il va me m'emmener dans un monde plus doux après mes lectures (très) dures.
Je le note de suite
Bonne soirée
Bises
Maryse